Prendre une douche n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser.
Brigitte Harrisson parle de "l'arrivée instable des gouttes d'eau" sur sa peau, décrivant la perception tactile du phénomène qui lui faisait redouter le moment de la douche. "Mais avec patience et ténacité, on y arrive !"
Si la personne ne comprend pas l'intérêt de se laver : Comme tout un chacun, il est plus facile de mettre en oeuvre une action lorsqu'on a compris sa finalité et qu'on y adhère. L'hygiène corporelle, c'est non-négociable. On ne peut pas y déroger, pourtant, il arrive de se trouver face à des jeunes autistes ou ayant d'autres troubles neurodéveloppementaux qui au passage à l'âge adulte refusent de se laver (cela est vrai aussi pour les moins jeunes). Mais leur a-t-on expliqué les changements qui opèrent dans leur corps et ce qu'ils entraînent ? Ont-ils conscience de l'intérêt de se laver ?- Se sentir propre et sentir bon
- Les autres aussi apprécieront car si on ne se lave pas, notre odeur va déranger.
Les albums " Qu'arrive-t-il à Tom ?" et " Qu'arrive-t-il à Elsa ?" sont des supports qui expliquent aux jeunes autistes et aux jeunes avec TND de façon visuelle et claire les changements liés à la puberté. Ce sont des ressources qui donnent l'occasion d'ouvrir la discussion sur l'hygiène corporelle avec des mots simples.
Si la gène est causée par l'environnement :Une salle de bain, c'est souvent un lieu étroit. Il ne s'agit pas de débattre du choix du carrelage, mais là aussi, cela peut être dérangeant visuellement et peu engageant. Pour "alléger" cet obstacle du passage à la douche, il y a des astuces très concrètes : Se servir des intérêts de la personne pour égayer la pièce. On peut accrocher un cadre ou un poster au mur ayant pour thème les voitures, les dinosaures, tout ce qui plaît à la personne. Même chose avec les accessoires de la salle de bain : porte-savon, gant de toilette, rideau de douche, tapis et serviettes de bain... On peut aussi mettre une histoire ou de la musique si cela détend la personne, une lumière tamisée et/ou colorée.
Ces articles peuvent vous intéresser...
Une des complexités propre à l'autisme et autres TND réside dans la capacité organisationnelle (c'est imbriqué avec la perception qui est développée au point suivant). Tentons de décomposer les différentes tâches à réaliser pour se laver :
1- Ouvrir l'eau
2- Mouiller le gant
3- Mouiller le corps
4- Mettre du savon sur le gant
5- Couper l'eau
6- Frotter le visage
7- Frotter les bras
8- Frotter les jambes
9- Frotter la nuque et le dos
10- Frotter le ventre
11 - Frotter les fesses
12- Frotter le sexe
13- Frotter les pieds
14- Ouvrir l'eau
15- Rincer
16- Fermer l'eau
16 étapes. Qui aurait pu imaginer qu'il y avait autant d'étapes ? Bien sûr le nombre d'étapes varie selon les personnes. Pour certain frotter le corps sera suffisant, pour d'autres il faudra détailler encore certaines étapes.
Un séquentiel imagé pourrait ressembler à ceci :
Quelques conseils pour fournir des repères visuo-spatiaux qui aident la personne avec autisme ou TND à organiser et enchaîner les tâches :
- Utiliser toujours le même savon (odeur, contenance, marque...) et le placer toujours au même endroit
- Garder le même rideau de douche (achetez-en 2 ou 3 au cas où le magasin se retrouve en rupture)
- Mettre tous les éléments qui doivent être utilisés à chaque douche d'un côté de la douche.
Ainsi la personne sait qu'il manque une étape s'il reste un élément à la fin de la douche.
Il n'est pas judicieux de se dire que la personne doit apprendre à se doucher dans des environnements différents et changeants si elle a des difficultés organisationnelles. Cela crée le chaos. Mieux vaut maintenir des repères fixes qui mettront la personne en confiance et lui rappelleront les étapes à réaliser.
La gestion du temps sous la douche et dans la salle de bain : parce qu'il est difficile pour une personne avec autisme ou TND de définir le début et la fin d'une activité, il est possible que vous preniez quelques douches froides si vous passez après elle.Astuces :
- Utiliser un timer.- La musique ou une histoire peut servir de repère, c'est un bon moyen pour structurer la temporalité : "après une chanson on coupe l'eau, on se savonne pendant une chanson..."
- Le pommeau de douche HYDRAO devient rouge après un certain volume d'eau utilisé (à vous les douches chaudes !)
80% des personnes avec autisme et autres TND ont des troubles de la sensorialité (troubles perceptifs). Ce qui signifie que pour 8 personnes avec autisme ou TND sur 10, le moment de la douche va générer une sensation d'inconfort sur le plan sensoriel dans le meilleur des cas ; une forte anxiété allant jusqu'à provoquer la crise pour la version catastrophe du scénario. L'énergie et la concentration que l'action demande à la personne peut être considérable, voire insurmontable au premier abord.
Sur le plan proprioceptif, la première difficulté peut être de repérer son propre corps dans l'espace. D'où l'importance de disposer les objets à la même place.Un grand nombre de personnes avec autisme rapportent que l'eau "fait mal" et que le frottement d'un gant textile classique irrite du fait qu'il ne procure pas suffisamment d'entrées sensorielles pour être tolérable. Les brosses et les gants en silicone ci-dessous fournissent une information sensorielle plus directe et précise sur les récepteurs de la peau.
Les brosses de bain et gants de toilette en silicone
Etre attentif à tous les détails pourra éviter des catastrophes et favoriser l'acceptation. Par exemple, l'odeur du savon est-elle forte ? Elle peut sembler une odeur très agréable "sur le papier" (Fleur de tiaré ça sonne bien !) mais être bel et bien incommodante pour la personne avec autisme ou TND.
L'intensité de la lumière est-elle trop forte ? Il existe des variateurs de lumière, ou bien une lampe d'appoint peut faire l'affaire si vous n'êtes pas bricoleur(se).
Enfin une difficulté motrice peut entraver l'autonomie de la personne.
La brosse à manche long ou le carré sensoriel en silicone sont deux accessoires de bain qui facilitent l'action de se laver aux personnes avec des difficultés motrices. Par observation et en essayant de mettre en place des aménagements et stratégies, il est possible de rendre plus facile le moment de la douche.
Le plus important est de désacraliser ce moment. Si la personne a un "passif" avec le moment de la douche, elle va revivre cette mauvaise expérience à chaque tentative.
L'appréhension générera de la crainte, qui générera en cascade une angoisse plaçant la personne en situation d'échec assuré...
Réussir à désamorcer ce cercle infernal sera donc le plus grand défi et l'objectif prioritaire. Au début préférer un bain plutôt qu'une douche si possible. Proposer des objets ludiques, distrayants et appréciés qui apporteront une dimension agréable. Valoriser chaque effort, féliciter et renforcer chaque micro-réussite.
